Les herbonautes

Le monde des algues est extrêmement coloré. Les algues sont classées en trois groupes principaux en fonction de leur couleur : Rhodophyta (algues rouges), Chlorophyta (algues vertes) et Phaeophyceae (algues brunes). Si ces teintes sont dues à leur pigmentation chimique, il existe un autre type de couleur : la couleur structurelle.

La couleur structurelle est le produit de l'interaction physique de la lumière avec les structures d'un tissu à l'échelle nanoscopique. La couleur rendue dépend alors de l'architecture des matériaux composant la structure, et de leur indice de réfraction. Cela se traduit par des couleurs intenses et souvent spectaculaires qui, bien que ce ne soit pas toujours le cas, sont parfois iridescentes (c'est-à-dire qu'elles semblent changer en fonction de l'angle de vue). Quand on les trouve chez les algues, elles sont présentes en surimpression sur les tissus pigmentés, exhibant ainsi une coloration plus vive allant du violet au vert en passant par le bleu nuit, le bleu clair ou le turquoise. Ces couleurs structurelles disparaissent lorsque la structure change - par exemple avec la déshydratation du tissu dans les spécimens d'herbier - mais peuvent réapparaître dans certaines conditions lorsque le tissu reprend sa structure d'origine.  

On retrouve la couleur structurelle chez beaucoup d'organismes vivants, aussi bien terrestres que marins, animaux que végétaux. Elle a été largement étudiée chez les animaux terrestres et est bien connue chez les papillons Morpho, avec leurs écailles d'ailes bleu vif qui ne contiennent pas de pigments bleus, chez les colibris, les scarabées, etc. Elle a également été étudiée chez les plantes, comme la baie de marbre Pollia condensata, le fruit dont la couleur est la plus vive au monde. Cependant, bien que la couleur structurelle soit courante dans l'environnement marin, elle reste relativement inexplorée chez les algues marines. Nos observations récentes nous poussent à penser que ce phénomène est bien plus répandu chez les algues qu'on ne le croie.

Parmi les algues rouges, le genre Chondria est bien connu pour certaines de ses espèces aux couleurs structurelles qui leur procurent un aspect iridescent. Ces couleurs structurelles sont toutefois assez peu étudiées et l'origine, les mécanismes, ainsi que les fonctions de leurs nanostructures ne sont pas encore bien comprises. Recenser les Chondria des collections d'herbier et documenter leurs origines géographiques permettrait d’évaluer si les conditions environnementales jouent un rôle majeur dans le développement de ces couleurs structurelles. En effet, les 78 espèces de Chondria décrites jusqu’à présent ont une vaste distribution depuis l’équateur jusqu’aux zones tempérées froides. 

Cette mission revêt avant tout un intérêt scientifique majeur car elle permettra de répertorier les Chondria où l'on pourrait observer les couleurs structurelles. Ainsi, cela servira à aiguiller les recherches pour étudier l'architecture et la formation de leurs nanostructures afin de mieux comprendre leur fonction.

Références :

Base de données des algues marines d'Europe : https://algaetraits.org/

Base de données taxonomique des algues du monde : https://www.algaebase.org/